La permanente, aujourd’hui revisitée, est le fruit d’un long parcours technique, social et symbolique. Inventée au début du XXème siècle par le coiffeur allemand Karl Nessler, elle consistait alors à chauffer des mèches de cheveux enroulées autour de tiges métalliques à l’aide d’un imposant appareil électrique. Le but : fixer durablement des boucles. Longue, risquée et parfois douloureuse, la technique visait à donner du relief aux chevelures raides, dans un monde qui associait déjà les boucles à l’élégance, à la féminité et au statut social.
Dans les années 1930 à 50, la permanente devient un incontournable des salons bourgeois en Europe comme aux États-Unis. Puis elle explose dans les années 70 et 80 : c’est l’époque des statements capillaires, des cheveux volumineux, du pouvoir féministe, des figures de pop et de contre-culture. A travers les décennies, les boucles permanentes deviennent un langage capillaire chargé d’émotion, d’affirmation, parfois de révolte.
Mais surtout, elle traverse les frontières : dans les communautés afrodescendantes, chez les jeunes Japonais ou au sein des générations queer, le choix d’onduler, d’amplifier, de texturiser ses cheveux devient un acte d’appropriation identitaire. On ne choisit pas seulement une coiffure : on choisit ce que l’on veut raconter de soi.
Aujourd’hui, la permanente moderne permet d’aller à la rencontre de cette histoire. Non plus en l’imitant, mais en l’interprétant. Elle n’est ni caricature, ni nostalgie : elle est un outil de liberté, qui permet à chacun de jouer avec les codes – parfois pour les sublimer, parfois pour les détourner. Et c’est en cela qu’elle dépasse la technique : elle touche à l’intime.